Voilà, les élections présidentielles sont finies. On va maintenant aller sur les législatives, qui sont, je pense, plus importantes. Si l’Assemblée n’est pas du même bord que le Président, c’est le Premier ministre qui va vraiment diriger la politique du pays. Bon, étant donné la proximité des deux élections, j’imagine que l’Assemblée sera majoritairement à droite.

Il y avait douze candidats à cette élection. Il y a des vainqueurs, et des vaincus. Qui sont-ils ?

Le vainqueur de cette élection, est, de fait, Nicolas Sarkozy. Il a réussi à se faire élire avec 53% des voix (dont 2% pas sûre car elles proviennent des machines à voter, mais bon) alors que la droite était au pouvoir ces cinq dernières années. Toutes les élections depuis 2002 ont été des échecs pour la droite (régionales, cantonales, européennes) et ses gouvernements étaient extrêmement impopulaires avec des crises importantes (par exemple celle du CPE en 2006). Malgré tout, Nicolas Sarkozy a réussi à se faire élire haut la main, au premier et au deuxième tour. Sa campagne a été excellente, il a réussi à faire oublier les échecs de son gouvernement sur la sécurité et le chômage. Il a réussi à montrer qu’il était le candidat qui défendrait tous les français, comme le prouve sa luxueuse croisière post-élection à Malte à bord du yacht du milliardaire Vincent Bolloré.

L’autre grand vainqueur, c’est Olivier Besancenot. C’est le seul parti de gauche qui a vraiment fait une réussite, alors que la gauche au premier tour arrivait à peine à 35%. Malgré les nombreuses candidatures de gauche, il a réussi à faire un gros score, à obtenir plus de voix qu’en 2002 (en nombre d’électeurs) et à se classer 5e. Là où d’autres comme Arlette sont passés de 5,72% en 2002 à 1,33% en 2007, son score n’a presque pas bougé. Une belle victoire, donc.

Le dernier vainqueur, c’est François Bayrou. Il a réussi à tripler son score de 2002 en se positionnant plus au centre et en jouant les ni-gauche, ni-droite, malgré la participation de son parti aux gouvernements UMP. Même si la majorité de ses députés ont rallié Sarkozy entre les deux tours et que son électorat n’a pas joué dans le résultat du second tour, il reste un personnage important de ce scrutin. Il a maintenant fondé un nouveau parti, on verra s’il résistera aux législatives. Il a cependant mené une campagne excellente.

Passons maintenant aux vaincus. Les plus gros échecs, et les plus flagrants, ce sont ceux de Dominique Voynet (Verts) et Marie-George Buffet (Parti Communiste). Elles ont fait toutes les deux un score ridicule, en dessous de 2%. Certains l’expliquent à cause du « vote utile » en faveur de Ségolène Royal. Il y a aussi que ces partis auraient peut-être mieux fait de faire une alliance avec le PS, puisqu’ils cherchaient seulement à obtenir des ministères dans un gouvernement dirigé par le PS. Après, cela tient aussi à leur campagne et leur programme. Les Verts ont déçu leurs partisans en se plaçant de plus en plus vers la droite de la gauche ; alors qu’ils pouvaient apparaître comme une « nouvelle gauche » il y a quelques années, ils se sont droitisés ensuite par certaines déclarations récentes et leur soutien au TCE en 2005. Les Verts ne sont plus ambitieux, ils ne se démarquent pas du PS et de plus, l’écologie se retrouve dans quasiment tous les programmes des partis. En outre, d’autres personnalités écolos plus charismatiques que Dominique Voynet étaient candidates et pas chez eux : Nicolas Hulot (qui s’est désisté) et José Bové. Pour les communistes, c’est sans doute leur image et leur nom qui font obsolètes, et de plus, le fait qu’il y avait déjà un autre candidat soutenu par les « collectifs unitaires » et sans étiquette : le même José Bové. Est-ce donc ce fameux moustachu qui a contribué à faire perdre ces deux partis ? Non, car il a lui-même fait un faible score (1,32%), inférieur au leur.

L’autre grand perdant du scrutin, c’est Jean-Marie Le Pen. Il avait fait 16,86% en 2002 (19,2% si on additionne à son score celui du MNR de Bruno Mégret). Il a fait 10,44% cette fois ci. L’extrême-droite a donc perdu et bien perdu, même si on ajoute au score de Le Pen celui de De Villiers. Cependant, cela s’explique mathématiquement parce que Nicolas Sarkozy a repris de nombreux points du programme du FN à son compte, et que sans doute de nombreux électeurs d’extrême-droite ont préféré voter pour le leader de la droite extrême.

Ségolène Royal est aussi dans le camp des vaincus, mais pas tant que ça. Elle a réussi à se hisser au deuxième tour de la présidentielle et à faire 47% face à Nicolas Sarkozy sans être une grande oratrice. Sa défaite tient plus à la force de son concurrent qu’à ses défauts. Evidemment, pour son parti, c’est une défaite. Le PS doit se remettre en question. Cela tient aussi à leur programme et à son explication : alors que celui du candidat UMP était clair, compréhensible, avec des réponses simples (« on va mettre plein de flics ») aux problèmes des gens, le programme du PS était plus flou. Faire des propositions claires est plus simple quand on est dans le rôle de la répression, mais c’était au PS d’être inventif. Cependant, le PS est arrivé au second tour, bien devant François Bayrou, et a fait 47% malgré le score minable de la gauche au premier tour. Evidemment, c’était davantage un vote anti-Sarkozy qu’un vote pro-Royal.

Il y a enfin une série de ni-vainqueurs, ni-vaincus. Arlette Laguiller (1,33%) avait annoncé que c’était sa dernière candidature et tout le monde sait que son parti disparaîtra avec elle au profit de la LCR : elle a donc logiquement fait un score faible. Gérard Schivardi (0,34%) et Frédéric Nihous (1,15%) n’avaient pas de programme ni de charisme : personne n’a voté pour eux. José Bové (1,32%) était sans étiquette et se présentait au beau milieu d’autres candidats d’extrême-gauche ou écolos. Philippe de Villiers (2,23%) n’a eu probablement que des voix de Vendéens et d’ultra-catholiques intégristes.

Pour terminer, cette élection a été singulière sur plusieurs points. Près d’1,5 millions d’électeurs ont voté par le moyen d’un ordinateur de vote. Cela n’est pas rassurant pour la démocratie (voir ici) et de plus de nombreux problèmes ont eu lieu (voir ), parfois très graves, comme à la mairie UMP de Reims qui a reconnu un décalage de 281 voix entre le nombre de personnes ayant émargé et le nombre de bulletins recensés. D’autre part, le scrutin a été marqué par une participation exceptionnelle avec un score de plus de 83% des inscrits aux deux tours, un record depuis 1974. Enfin, les bulletins blancs ou nuls – malheureusement pas séparés – ont totalisé 1,44% (534 846 votes) des suffrages au premier tour et 4,20% (1 569 450 votes) au second tour. On peut aussi noter, comme Eolas, que finalement le résultat du vote a montré que le problème des 500 signatures n’en était pas un.