Admettons que le partage d'oeuvres protégées par le droit d'auteur sur les réseaux peer to peer fait perdre de l'argent aux ayants droit. Admettons, car rien n'est moins sûr :

  • Primo, ce partage n'est pas un problème majeur dans l'Europe aujourd'hui. Le chômage, la santé, la précarité, le pouvoir d'achat sont des choses bien plus importantes.
  • Secondo, il n'est pas prouvé (voir par exemple ce qui se dit au Canada) que ledit partage entraine des pertes financières. Ce que l'on sait, c'est que par exemple, moins de gens achètent des CD [=A]. Et que plus de gens partagent des fichiers musicaux [=B]. Mais ca ne prouve pas que B est la cause de A. A peut avoir plein d'autres causes qui peuvent se cumuler, il est facile d'en trouver : la baisse du pouvoir d'achat, le faite que la musique sur les CD ne plaise pas, que les gens préferent d'autres supports que le CD, que la publicité pour les CD soit mauvaise...
  • Tertio, on ne parle pas des bénéfices qu'engendre ce partage. Le peer to peer peut faire découvrir un auteur et attirer des gens lors de son exposition, son concert etc. Il y a aussi un gain pour la société : le partage de films, de musique, de livres, c'est un accès à la culture pour le plus grand nombre.

Mais admettons cela quand même. Eh bien, la solution de légiférer pour contrecarrer ce partage n'est pas efficace. Pour une raison technologique très simple : si on essaie de filtrer les réseaux pour savoir qui partage quoi, et donc savoir qui condamner, les gens utiliseront des réseaux chiffrés ou les échanges sont anonymes. De tels réseaux existent déjà, et ils vont se développer.

Contrôler le peer to peer, ca ne réglera pas le problème, mais ca créera au contraire de nouveaux dangers pour la société : d'une part, la démocratisation des moyens d'anonynimisation va compliquer la lutte de la police et de la justice contre les vrais criminels (réseaux pédophiles, terroristes etc.) ; d'autre part, elle va généraliser l'espionnage des communication de tous les citoyens, d'où une restriction des libertés individuelles. Pour courronner le tout, le législateur est tenté, pour des raisons de coûts, de confier cette surveillance aux ayants droits, soit des sociétés privées.

Il y a des solutions plus simples pour que les ayants droits y trouvent leur compte. En voici quelques unes :

  • développer une offre légale à bon marché et sans DRM ;
  • inclure dans le prix des abonnements internet (idée de la fameuse licence globale) une somme qui sera reversée aux ayants droit ;
  • réflechir à d'autres moyens de gagner de l'argent que la vente de produits copyrightés (services, logiciels libres, vente de places de concerts etc.) ;
  • fusionner avec ceux à qui profite le partage, soit les fournisseurs d'accès et les vendeurs de supports de stockage (CD-R, disque durs etc.).

On voit donc que les projets comme la loi DADVSI ou les sanctions prévues par le récent rapport Olivennes sont au mieux inopérants, au pire carrément dangereux pour la société. Le droit ne peut pas apporter de solutions satisfaisantes à ce genre de problématique, même pour les majors.

Pourquoi donc les majors, qui ne peuvent ignorer ce qu'il y a ci-dessus, poussent-ils à la création de telles lois? Peut-être parce que l'insécurité juridique qui entoure le partage de fichiers leur permet, par des menaces de procès, de remplir leurs caisses. Mais les citoyens ne doivent pas les laisser faire.