Les primaires socialistes ont lieu dimanche prochain. C'est un événement important, car le candidat choisi a de fortes chances de se retrouver au 2e tour des élections présidentielles 2012 et donc potentiellement de devenir président de la République française.

Lors du 1er tour, il y aura 6 candidats. Si 5 d'entre eux sont tenus de respecter le programme socialiste (M. Baylet fait partie des Radicaux de gauche), il ne sont pas pour autant interchangeables. Après lecture de leur programme en ligne et avoir visionné intégralement les 3 débats, j'ai tâché ici de résumer leurs différences, leurs atouts et leur défauts. Les candidats sont présentés par ordre alphabétique.

Martine Aubry

Le maire de Lille est très « pro » : Martine Aubry répond aux questions qu'on lui pose, son propos est toujours clair, sonne spontané et franc. Intelligente, combattive, cultivée, expérimentée, anti-bling-bling : face à Sarkozy, elle serait redoutable.

Martine Aubry, à l'instar de Ségolène Royal, prône une sortie du nucléaire à moyen/long terme. Elle mise beaucoup sur le féminisme et fait des propositions des plus fantasques à ce sujet : elle propose de créer un « Ministère des droits des femmes et de l’égalité entre les genres », se prononce pour « une pleine citoyenneté des femmes » (n'est-ce pas déjà le cas ?), et même « éduquer pour changer les mentalités et transformer la société », veut réformer le congé parental « pour qu’il soit plus court et mieux rémunéré ».

On notera qu'en matière de laïcité, il ne faut pas s'attendre à grand chose. De 2002 à 2009, la mairie de Lille a accordé des créneaux horaires, dans les piscines de la ville, à un groupe de femmes musulmanes (sans doute à but électoraliste). On notera aussi qu'elle a fait des pieds et des mains pour aggrandir le Stade Grimonprez-Jooris dans la zone classée de la citadelle de Lille (son permis de construire sera annulé) ; cependant beaucoup d'activités culturelles ont vu le jour sous sa mandature à Lille. Il faut aussi noter qu'elle a tardé à condamner les abus des frères Guérini à Marseille.

Elle est soutenue par pas mal de monde, en particulier Henri Emmanuelli, Élisabeth Guigou, Laurent Fabius, Pierre Mauroy, Bertrand Delanoë, Benoît Hamon, Anne Hidalgo, Gérard Caudron, Stéphane Hessel, Jamel Debbouze, Bernard-Henri Lévy et probablement Dominique Strauss-Kahn.

Jean-Michel Baylet

Le président national du Parti radical de gauche (PRG) n'est pas tenu de respecter le programme des socialistes. Et cela l'arrange, car il surfe sur leur droite. Il est moderne sur certains points (favorable à l'euthanasie et à la légalisation du cannabis) mais montre dans les débats qu'il n'est pas pour changer les choses. Il veut peu d'interventionisme de l'état et laisser les entreprises relancer l'économie, tout en protégeant les plus pauvres.

C'est celui qui insiste le plus sur la laïcité. Il souhaite une Europe fédérale. Patron de presse, il a été plusieurs fois condamné ces dernières années (pour abus de biens sociaux, recel d'abus de biens sociaux, ainsi que faux et usage de faux ; abus de bien sociaux ; emplois fictifs) et est impliqué dans plusieurs affaires en cours devant les tribunaux.

Il est notamment soutenu par Emile Zuccarelli.

François Hollande

On le sent très motivé, il parle bien même si des fois on a l'impression qu'il surjoue l'indignation ou la colère. Il se montre humble et anti-bling-bling. En avance dans les sondages, il ne se mouille pas dans les débats des primaires : il reste en retrait et parle souvent en dernier pour réaliser une synthèse.

Son grand axe de campagne est la jeunesse, sur laquelle il entend miser et avec laquelle il veut proposer un contrat de génération. Il se propose de rétablir les 60 000 postes d'enseignants supprimés par la droite.

Son problème : premier secrétaire du Parti socialiste de 1997 à 2008, François Hollande incarne le PS mou et immobile, sans idée et qui a tout perdu. Il est sans doute moins expérimenté que Martine Aubry ou Ségolène Royal.

François Hollande a intégré dans son équipe de campagne Robert Navarro, pourtant exclu du PS pour détournement d'argent du parti.

Il est notamment soutenu par Jack Lang, Pierre Moscovici, Julien Dray, Daniel Percheron, François Rebsamen, Robert Hue, Jacques Attali.

Arnaud Montebourg

Il a le programme le plus à gauche : il soutient la démondialisation, propose de nationaliser les banques, était pour le non contre le TCE en 2005. Il a condamné clairement les abus de certains socialistes (Georges Frêches, Alexandre Guérini).

Arnaud Montebourg appelle également à une VIe République avec un Président de la République arbitre, un gouvernement disposant de la plénitude de ses pouvoirs, un Parlement aux pouvoirs de contrôle renforcés. Il est partisan de l'élargissement de l'Union européenne à la Turquie et les pays des Balkans. Il est favorables à la libération des données publiques (opendata). Il veut obliger les entreprises à respecter des quotas de « minorités » (femmes, handicapés etc.) en matières de promotions, salaires etc.

Il s'est prononcé pour un système éducatif à l'allemande : pas de cours l'après-midi, diminution des vacances scolaires estivales. Il propose aussi de rapprocher physiquement le primaire et le collège, de mettre deux professeurs par classe, de travailler en petits groupes : bref, tout changer.

Côté laïcité, ce n'est pas ça : il est pour « un islam de France » et propose que « les prédicateurs musulmans soient par préférence de nationalité française ou intégrés dans la société française, que des écoles d’enseignement du Coran puissent en conséquence exister sur le territoire national et intègrent dans ses enseignements les lois et valeurs de la République ».

Arnaud Montebourg a cependant un gros défaut : il est peu à l'aise à l'oral, récite trop, fait trop un numéro d'acteur, sourit et gesticule comme un mauvais commercial.

Arnaud Montebourg a été le porte-parole de Ségolène Royal pour l'élection de 2007 ; en 2008 il a soutenu la motion de Martine Aubry au Congrès de Reims. Il est notamment soutenu par Michel Onfray.

Ségolène Royal

Ségolène Royal est égale à elle-même. Elle est dans la séduction, dans le marketing. Elle aborde toujours de grands thèmes (la « révolution verte », la justice sociale) parle beaucoup de sa région mais reste souvent évasive sur la concrétisation de ses promesses.

Elle est pour un encadrement militaire des jeunes délinquants. Elle s'est prononcé pour rassemblement de la gauche, des centristes et mêmes des « gaullistes sociaux ». Ségolène Royal, à l'instar de Martine Aubry, prône une sortie du nucléaire à moyen/long terme.

Sa personnalité et ses idées ne semblent avoir guère évolué depuis 2007 : elle aurait donc peu de chances de l'emporter dans un duel face à Nicolas Sarkozy.

Elle est notamment soutenue par Edith Cresson, Jean-Louis Bianco, Pierre Bergé.

Manuel Valls

Comme Martine Aubry, il est très pro : il maîtrise ses sujets, est à l'aise avec les questions, connait ses dossiers, donne des chiffres précis.

C'est le candidat le plus à droite. Sous prétexte de réalisme, il se prononce pour le déverouillage des 35 heures, pour les quotas d'immigration, contre la retraite à 60 ans, se positionne comme le champion de la sécurité. Il est pour une TVA sociale qui reviendrait à augmenter la TVA d'un point (cf le 2e débat). Finalement, tout en critiquant Sarkozy, c'est un peu le Sarkozy de la gauche.

Peut-être un bon candidat comme futur ministre de l'Intérieur.

Il n'est pas soutenu par grand monde.