Vous trouvez l'analyse des autres candidats de droite (certains ne le sont déjà plus) dans ce billet et celle des autres candidats de gauche dans celui-ci.

Marine Le Pen. Sa stratégie de campagne repose sur la tentative de « dédiabolisation » de son parti commencée déjà il y a quelques années (même si elle vient quand même d'aller valser à Vienne dans un bal avec plein de néo-nazis). Pour résumer : Marine Le Pen est pour les noirs, pour les juifs, pour les arabes, pour les homosexuels, pour les ouvriers, pour les classes moyennes, pour les catholiques, pour les athées et ainsi de suite. D'autre part, sa campagne s'appuie sur une cellule riposte chargée de poster des commentaires à son avantage sur les forums, les réseaux sociaux et les grands sites d'information (Yahoo, Rue89, Agoravox etc.) : l'idée et bonne, mais cela tourne parfois au ridicule, certains messages manquant cruellement de subtilité ou étant postés en trop grand nombre.

Les frontistes sont plein d'enthousiasme. Leur candidate, avocate, plus cultivée et plus posée que papa (le népotisme ne semble pas effrayer les militants), est brillante dans les médias. Enfin... à condition qu'elle n'ait pas en face d'elle un contradicteur trop sérieux, sinon, elle perd totalement ses moyens ! Un seul exemple est sa triste prestation dans l'émission « Des paroles et des actes » (le 23 février 2012 sur France 2) : face au journaliste François Lenglet puis à son adversaire Jean-Luc Mélenchon, elle a refusé en bloc de répondre aux questions posées et a tenté systématiquement de faire diversion.

Pour le fond, dès qu'on creuse un peu, on voit que le Front national a peu évolué. A part s'opposer à l'immigration, Marine Le Pen n'est jamais capable de citer des mesures concrètes ou des chiffres. Elle veut revenir au franc et le dévaluer, mais n'a pas pensé à la baisse de la valeur de l'épargne que cela entrainerait. Elle dit défendre les droits des femmes au travail, mais veut créer une allocation pour les femmes qui restent à la maison. Sur l'économie, sur l'informatique, sur l'éducation et ainsi de site, elle n'a pas grand chose de cohérent à dire et on sent beaucoup d'improvisation. En fait, sa campagne sent l'amateurisme : elle diffuse des mots clefs (« immigration », « chômage », « exploitation », « laïcité ») et se positionne comme candidate anti-système ; pourvu qu'on ne lui demande pas des précisions, ça passera, surtout parmi les Français les moins éduqués. Ou pas.

Nicolas Sarkozy. Évidemment, il ne fait pas campagne sur son bilan, jugé peu glorieux (voir notamment les articles et ). Il préfère plutôt camper la postue du chef de l'état proche des décideurs et des puissants. Rentré en campagne très tard, il tente également de proposer une avalanche de mesurettes pour décontenacer la gauche. Quitte par exemple à proposer, s'il est réélu, de recourir à des référendums d'initiative populaire, idée de campagne de Ségolène Royale en 2007, alors même qu'il n'a pas respecté le « non » du peuple au référendum du traité constitutionnel européen en 2005.

Nicolas Sarkozy tente le tout le pour le tout, il essaie également de dire tout et son contraire (en jouant sur les personnalités de l'UMP, de Borloo à Mariani, de Guéant à Guaino), de faire oublier son bilan et de se donner une stature d'homme d'état sérieux, responsable et compétent. Il parie également sur l'amnésie des gens, en reprenant beaucoup de promesses de campagne de 2007 qu'il n'a pas tenu, comme le fameux « travailler plus pour gagner plus ». Il fait aussi ce que la droite reprochait au Parti socialiste pendant quatre ans : critiquer le camp adverse (le programme de François Hollande) sans faire de contre-proposition.

La montée du chômage, la baisse du pouvoir d'achat, la dette record, ce n'est pas lui : c'est la crise, qu'on se le dise ! A six semaines des élections, c'est un des seuls candidats qui n'a toujours pas annoncé son projet politique pour le pays. Actuellement pas le favori dans les sondages, Nicolas Sarkozy part avec un sérieux handicap, mais il a encore de bonnes chances de gagner. En effet, on l'a vu en 2007 : c'est une bête de campagne et il est très charismatique.

Jean-Luc Mélenchon. C'est celui qui réalise la meilleure campagne, si bien qu'un score à deux chiffres lui semble quasiment acquis. Excellent tribun et orateur exceptionnel, il sait alterner la colère, l'humour, les conseils avec une joie non dissimulée ; ses meetings attirent constamment plus de gens. Tout le monde n'aime pas sa tête et son style, mais il donne l'impression de connaître la vie des électeurs, donne des chiffres précis et répond aux questions qu'on lui pose.

Il faut dire qu'il a plusieurs atouts dans son jeu. Représentant la gauche dure, il a l'avantage de camper la posture d'homme courageux et actif. Mélenchon bénéficie aussi d'une situation exceptionnelle à gauche : la défection d'Arlette et de Besancenot lui profite, tout comme la relative mollesse d'Hollande et la mauvaise campagne d'Eva Joly. La situation économique lui est également favorable.

Certaines de ses mesures sonnent démagogiques, comme la régularisation de tous les sans papiers ; mais il n'est pas le premier ni le dernier de la campagne à jouer à ce genre de jeu. A noter aussi qu'il vise essentiellement un électorat ouvrier, au risque de se priver du vote des classes moyennes et des cadres de gauche.

François Hollande a lui aussi a de nombreux atouts. Grand favori dans les sondages depuis le début de la campagne, désigné par la primaire socialiste (voir et ), il campe le rôle de l'anti-héros et du candidat anti-bling-bling. Il s'est métamorphosé, et pas seulement physiquement : il est plus posé, plus sérieux, plus convaincant qu'il y a un an. Mais véritable changement ou stratégie de communicant ? Car le député de Corrèze a aussi des défauts. Il garde une image d'homme mou. En dix ans à la tête du Parti socialiste, on a pas eu l'impression d'une grande activité. Et côté campagne, on est souvent dans le flou ; François Hollande est rarement précis dans ses déclarations et certaines déclarations ressemblent fortement à des annonces peu probables d'être concrétisées (imposer à 75% les plus hauts revenus, recréer 30 000 postes de professeurs etc.).

Sa candidature suscite beaucoup d'espoir à gauche. Il serait sûrement un bon gestionnaire du pays (ce qui peut suffire), mais il parait peu probable qu'il fasse des réformes sociales importantes. Pas sûr non plus qu'il ait la carrure pour résister aux marchés financiers et aux agences de notation dans une situation de crise « à la grecque ». Bref, une candidature sérieuse mais peu précise, ce qui explique sûrement sa grande popularité.