J'aurais pu dire qu'il a un égo tellement démuseré que s'en est indécent, qu'il est populiste, qu'il n'a pas la classe de sa fonction, que ce n'est pas vraiment lui qui gouverne mais qu'il n'est qu'un pantin de la grande bourgeoisie des Hauts-de-Seine, qu'il est mauvais sur presque tous les sujets politiques, qu'il confisque les médias... Mais c'est l'arrivée des beaux jours, et j'ai envie de dire du bien de Nicolas Sarkozy. Parce que pour une fois, je pense qu'il a initié un projet qui va dans le bon sens : la réforme de la carte militaire.

Le plan présenté par François Fillon le 24 juillet prévoit la suppression de 20 régiments et bataillons dans l'armée de terre, de 11 bases aériennes et d'une base aéronavale. Soit la suppression de 54 000 des 320 000 postes civils et militaires. A mon avis, ce n'est que bon sens. La France doit conserver une armée pour défendre ses citoyens. Cette armée doit rester influente et parmi les meilleures pour que la protection soit efficace. Mais l'armée doit se restructurer. De plus, les menaces et les risques ont changé : la France a très peu de chance de se faire envahir, la quasi totalité de l'Europe étant un continent en paix depuis longtemps. Par contre, la menace terroriste est peut-être plus élevée qu'autrefois. On voit donc que l'armée de terre est moins essentielle, alors que des forces d'interventions spéciales et des experts en nouvelles technologie sont surement des choses à développer. Bref, la France n'a pas besoin d'une grande armée, mais d'une armée plus modeste bien équipée, compétente et opérationnelle.

Réduire les effectifs et le budget militaire est donc une bonne chose pour la France et, après restructuration, n'altère en rien les capacités de défense. J'ai cependant un peu peur que cela n'ait été fait que pour des raisons financières sans souci des enjeux stratégiques, car en même temps, le gouvernement diminue le nombre de fonctionnaires un peu partout, notamment dans l'éducation nationale (on supprimera 12 000 postes en septembre 2008, et encore 17 000 en 2009, soient autant de classes en moins), où pourtant on en manque.

A part cela, je pense que la réforme aurait dû aller plus loin, sur plusieurs axes. Tout d'abord, il setait urgent de supprimer le grade d'officier d'« aumônier militaire », qui est quand même une honte dans un pays où l'église est séparée de l'état depuis plus de 100 ans. Nos forces armées n'ont pas à avoir dans leur sein des représentants des divers cultes religieux, nommés par le ministère de la défense. Ainsi, l'armée française possède des aumôniers des cultes catholique, protestant, israélite, musulman, en plus d'un prêtre du patriarcat de Moscou et d'un ministre du culte de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. J'y vois une dérogation au principe de séparation du culte et de l'administration.

Deuxièmement, je ne suis pas convaincu par la stratégie de disuasion nucléaire. L'entretien, la modernisation et le déploiement de l'arme nucléaire coûte des sommes très importantes à l'état (3,15 milliards d’euros pour 2005, soit 21% du budget de la Défense). Alors qu'on ne sait pas si cette stratégie est efficace : de nombreux pays n'ont pas l'arme nucléaire (Suisse, Canada, Allemagne, Suède) et ne semblent pas plus menacés que la France. Ensuite la dissuasion nucléaire a comme effet pervers d'encourager d'autres pays à se doter de l'arme nucléaire, comme l'Iran, ce qui fait qu'au final l'effet de dissuasion sera neutralisé, tout le monde possédant la fameuse technologie. A mon avis, la France devrait repenser sa stratégie de défense sans la dissuasion nucléaire. On notera néanmoins que dans la réforme du gouvernement Fillon, un escadron de la composante aéroportée du programme nucléaire sera supprimé.

Enfin, je crois qu'il faut réfléchir aux relations de l'armée française avec ses homologues étrangers. S'il me parait essentiel de continuer à fournir des casques bleus à l'ONU et d'augmenter la coopération avec nos voisins européens, il faut éviter au maximum d'intervenir dans des conflits qui ne nous concernent pas, comme l'Afghanistan ou certains pays d'Afrique. Il faudrait aussi à mon sens prendre ses distances avec l'OTAN, qui nous coûte de l'argent (110 millions d'euros en 2004), mais surtout qui défend uniquement les intérêts des Etats-Unis. Pour le coup, la France fait exactement l'inverse de ce qu'il faudrait faire, Nicolas Sarkozy annonçant en 2008 le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN.

Quoi qu'il en soit, cette réforme est un premier pas dans le bon sens de la modernisation et l'adaptation au XXIe siècle de l'armée française. Il reste donc maintenant à repenser à la stratégie militaire, pour moins de dépenses inutiles et plus d'indépendance.